De l’art du boycott à la Sochalienne (03/07/18)

« Il y a quelque chose de plus abject encore que d’être un criminel, c’est de forcer au crime celui qui n’est pas fait pour lui ».
Albert Camus, Les Justes, Paris, Folio, 1950, p. 121.


En théorie, l’amour parfait et beau, dans l’imaginaire occidental commun et ce depuis la nuit des temps, est par essence fatal et destructeur. Il est donc attirant car impossible. En pratique, celui qui parvient à se refuser à l’Autre par amour offre la preuve la plus forte de sa Passion au sens propre du mot.
Cette idée ne vient pas de nous. Hélas, nous n’inventons rien mais nous « vivons » ces propos. Elle vient d’un écrivain, philosophe et universitaire Suisse du début du XXe siècle – Denis de Rougemont, pour ne pas le citer. L’amour le plus fort, le plus pur, le plus authentique et le plus beau est l’amour passionnel impossible dont on prend le courage de refuser.
Coïncidence ?


Le stade Bonal, ou l’auberge espagnole
Revenir une énième fois sur le FCSM version Ledus serait inutile. Nous avons fait le tour, basta. Li et ses petits compères aussi visiblement puisqu’il n’est pas nécessaire de sortir de saint Cyr pour comprendre que la venue du groupe espagnol Baskonia n’est autre qu’un appel à l’aide de la part de la filiale chinoise pour préparer progressivement une transition, une transmission d’un flambeau qui a bien du mal à brûler encore, entre le vent d’Est et la tempête Basque. Quoi qu’il en soit, les éléments de préparation à notre assemblée générale du 9 juin dernier, mais aussi et surtout l’assemblée générale en elle-même et ce qui en est sorti (1), étaient plausibles, logiques, cohérents. Placer notre activité sous l’égide du mot d’ordre « seulement pour nos couleurs » était, à ce moment-là, on ne peut plus légitime et réalisable.
C’étaient sans compter des événements de la semaine du 18 juin que Baskonia s’est chargée de rythmer. Trop rapides, les Téhénessiens ? Trop naïfs, trop candides, trop utopiques avec notre posture ? Sûrement, oui. Mais nos désirs d’engagement et de révolte sont-ils blâmables ? Sûrement pas ! Ceux qui se bougent font des erreurs. Ainsi Baskonia semble avoir quelque peu interprété l’appel du 18 juin à sa sauce football-moderne. Méthodes drastiques, extrêmes, violentes et immorales pour mettre en place son petit empire. Experts en communication, mais irrespectueux des valeurs et des us locaux – quoiqu’ils promettaient dès leur arrivée, fin avril, une grande considération du patrimoine de notre club. Cette semaine du 18 juin nous aura prouvé le contraire : joueurs cadres poussés ou mis à la porte en toute « diplomatie », mais aussi membres du staff, personnels et salariés voire sous-traitants. Ajoutons à cela les fameux transferts inhumains de joueurs-bétails de clubs-satellites à clubs-satellites – oui oui, le FCSM devient pigeon et garde-meuble d’Alavès, rien que ça… – et la mise en place stratégique de certaines personnes dans la gestion du club, et vous avez comme premier résultat, sans trait d’humour aucun, une véritable auberge espagnole en guise de club.
Tout cela en a outré plus d’un, membres TNS et Supporters Sochaliens. Il faut réinventer le football et faire bouger les choses, oui, mais pas de cette manière. La vidéo (ou l’ignoble coup de communication) diffusée par le club lors de cette semaine fatidique (2) et l’annonce de la démission du très emblématique et amoureux du FCSM, PAF, auront eu raison de notre affolement soudain et de nos doutes. Et aux reyes delle comunicación d’avoir l’indécence d’utiliser des images de nos scénographies pour tenter de faire croire à l’union sacrée entre supporters et dirigeants. Oui, en 2018 il est visiblement légitime d’user d’images d’un spectacle réalisé pour commémorer la mémoire du défunt Olivier Baudry pour tenter d’appâter le consommateur de football. Démarche dégueulasse et irrespectueuse. Baskonia avait plus ou moins la balle dans son camp, preuve en est d’une trop simple et naïve « vigilance » à leur égard annoncée dans notre communiqué du 17 juin 2018. Vigilance qui, dès lors que les méthodes appliquées sont très rapidement écœurantes, se doit d’être développée.




« Cher FCSM, par cette lettre, nous te notifions notre volonté de quitter notre poste de fidèles supporters »
Face à ces agissements précoces et impossibles à cautionner, le comité directif de notre groupe a échangé quotidiennement en interne durant pas moins d’une semaine et demi à ce sujet. Panique et dégoût chez certains, difficile fatalité chez d’autres. Un élément est toutefois partagé par tous et donc capital à mentionner : les capacités sportives de Baskonia ne sont pas mises en doute. Toutefois, elles ne sont même pas prises en compte : nous passons outre. Que ce FCSM gagne ou perdre, qu’importe. La priorité est son sauvetage : le visage qu’il propose sous cette ère Ledus-Baskonia, qui ne fait hélas que commencer, n’est pas celui que nous aimons. Alors que faire ? Subir, ou continuer coûte-que-coûte à s’engager et à lutter ? Des questions très simples ont longuement été émises. Elles se reposent sur notre posture du 17 juin 2018, date à laquelle nous ignorions encore les événements du lendemain, mais sur lesquels nous nous sommes dès lors appuyés : comment est-ce possible de s’abonner et d’être présent au stade même sous l’égide du mot d’ordre « seulement pour nos couleurs » ? Quelle conduite adopter au stade, en tribune ? Comment faire lors d’un but de ce FCSM et lors d’une victoire ? Comment cautionner une telle métamorphose, une telle altération du club ? « Le FCSM que nous avons connu et aimé est mort », telles sont les paroles récentes d’un immense amoureux de notre club, joueur emblématique des années 2000. Éloquentes, fatales, tristement vraies. Alors que faire ? Être au stade sur un mode contestataire mais en étant tendancieux et vulnérables car pas assez clairs ? Ou tout quitter par amour et engagement ?
Des discussions houleuses et richissimes ont rythmé nos derniers jours. Et à l’unanimité est ressortie l’idée qu’il était temps de prendre nos responsabilités. Oui, animer notre stade et chanter pour nos couleurs partout en France pour représenter notre groupe et notre ville est notre passion. Les sensations que nous avons en tribune ne se retrouvent nulle part ailleurs. Mais, en regardant droit devant nous, tête haute, à l’horizon, plutôt que courbé et recroquevillé sur notre nombril, des engagements vitaux plus généraux sont à considérer et à défendre, à défaut de notre petit plaisir personnel. Ainsi avons-nous pris nos responsabilités et osons, la peur au ventre, la mort dans l’âme, sortir de notre zone de confort et mettre en suspens ce que nous aimons le plus au monde. Le boycott des abonnements pour la saison 2018-2019 est acté, ainsi que la désertion de Bonal et des stades à l’extérieur. Ces deux mesures sont nécessaires. Par cohérence, par souci de soi, par souci du FCSM, par souci moral et éthique : nous ne voulons pas de ce FCSM là. Alors disons-le ! Mettons ce refus en œuvre, quitte à être extrêmes et forts ! C’est une phrase qui revient souvent dans nos écrits, à juste titre : la vérité doit passer par l’outrage. Alors, mettons du cœur à l’outrage. Mais un outrage éloquent, réfléchi, minutieux.
Prendre ses responsabilités, agir de la sorte, c’est quitter le terrain conquis et confortable pour aller vers l’inconnu – et l’inconnu est, par nature, effrayant. Que nos membres aient alors peur est une réaction aussi légitime que naturelle ! Mais attention, entendons-nous bien, faire le choix d’un boycott du stade jusqu’à nouvel ordre n’est pas synonyme de mort du groupe. Bien au contraire. Nous sommes tous conscients, et cela est important, que nous partons sur une longue période d’abstinence car Ledus-Baskonia vont être tenaces. Aussi, il est certain qu’hélas, nous allons perdre des membres, des adhérents, des sympathisants, qui peuvent penser autrement et nous respectons cela sans pour autant le cautionner – chacun sera en paix ou non vis-à-vis de l’aide apportée au FCSM. Libre à eux de se rattacher ou non à la posture proposée. Nous sommes également conscients qu’il sera possible de nous taxer de « girouette » face à ce changement drastique de position et d’avis. Mais nous l’assumons, ce développement, et, mieux encore, nous l’expliquons, nous le justifions par ce légitime et logique mea culpa. A l’inverse, nous sommes conscients aussi et surtout que beaucoup vont saluer et même suivre cette décision. Nous encourageons l’ensemble des Supporters Sochaliens à prendre, avec nous, ses responsabilités ! La vie de notre groupe est, par cette posture, logiquement mise en péril – et cela est normal lorsqu’on plonge dans l’inconnu. Néanmoins, nous croyons en la maturité de nos membres, de nos sympathisants et même du Supportérisme Sochalien dans son ensemble, pour comprendre, suivre et vivre cette période à nos côtés. Nous avons déjà prouvé tous ensemble, pas plus tard que la saison dernière, qu’une union sacrée était possible. Si nous répétons sans cesse que l’éthique est très importante à nos yeux et dans nos rangs, alors tout ce qui est décidé ici est une nouvelle preuve de notre engagement en faveur de nos valeurs et de nos idéaux. Agissons en harmonie avec nos réelles pensées, qu’importe les répercussions !






« Boycott » : un mot d’apparence crue, mais à réinventer et à exploiter intelligemment
Le choix du boycott est donc désormais acté, clamé et assumé. Mais que signifie-t-il réellement ? Il s’articule en deux temps et se doit d’être écarté complètement du mot « mort » car cette posture est justement l’occasion de se renouveler et de s’actualiser pour perdurer encore et toujours tout en étant en phase avec la situation de ce jourd’hui. Tout d’abord, même si notre décision est suivie de manière minime – libre à chacun de pouvoir se regarder en face ! –, nous en appelons à un refus catégorique de « consommer » FCSM : ni abonnements, ni gadgets dérivés. L’idée étant de détruire autant que possible ce FCSM désormais dépossédé de lui-même, impersonnel, dans lequel nous ne nous reconnaissons plus, qui n’a plus rien à voir avec nous pour le moment, dans l’espoir d’un départ de Ledus-Baskonia et pour une reprise, même dans les bas-fonds du football français, par des personnes ayant une morale, un amour véritable pour notre Institution, et prônant une bonne gestion et une transparence totale. Nous serons là au moment propice. Ensuite, il s’agit de laisser pour vide notre tribune et même notre stade, aussi bien à domicile qu’à l’extérieur. Jusqu’à nouvel ordre notre groupe ne s’affichera pas, n’assumera aucune activité de soutien et ne sera pas présent dans une enceinte sportive pour les matches de ce FCSM.
Néanmoins, le boycott est un mot et une action à réinventer, à mettre à notre sauce, à s’approprier pour l’exploiter au mieux. Notre décision ne se limite donc pas à une simple désertion des matches de ce FCSM ! Il s’agit dès lors de mettre en place une dualité dans nos actions et dans nos projets. D’une part, nous allons poursuivre notre lutte contre Ledus-Baskonia sur d’autres terrains, par d’autres moyens. Il ne faut en aucun cas les laisser tranquille et relâcher la pression : nous ne voulons pas de ces manipulateurs néfastes au sein de notre Institution. D’autre part, nous allons poursuivre aussi et surtout une vie associative digne de ce nom et à part entière. C’est l’idée que le groupe reste aussi soudé et unis qu’il l’est déjà par l’organisation de bon nombre d’événements tous aussi divers que variés les uns des autres.
Plus précisément, lutter coûte-que-coûte contre ces propriétaires/gestionnaires douteux et irrespectueux, c’est se regrouper lors de chaque match, c’est innover nos actions contestataires, c’est redoubler d’imagination et ne pas hésiter à œuvrer pour retrouver le FCSM que nous aimons. C’est rester unis avec l’ensemble de Sochaux United, c’est organiser des débats, c’est réaliser des actions coups-de-poing. Et, dans le même temps, poursuivre une vie associative digne de ce nom, c’est aussi se regrouper lors de chaque match. Mais c’est également et surtout rester soudés pour notre famille, pour continuer à la faire vivre. C’est organiser une multitude d’événements pour nous tous, sans arrêts : des regroupements, des soirées, des repas, des concerts (3), mais aussi des actions caritatives (4), des ateliers artistiques, des séances et des tournois sportifs, des sorties, des débats et des présentations culturels. C’est aussi, et surtout, acquérir un lieu de vie. Affaire à suivre. Le comité directif de la TNS est prêt à charbonner dur pour poursuivre tout cela. Reste la participation active de tous nos membres !


Que tous ceux qui nous suivent se rassure : certes, cette décision est angoissante. Oui, nous allons vivre encore des difficultés. Soyons conscients de cela. Mais, sans jamais se reposer sur nos lauriers, si nous parvenons à prendre une telle décision, si éloquente et si forte, pleine de sens, si nous parvenons à être en phase avec nos idées et nos valeurs, si nous arrivons à prendre nos responsabilités de la sorte, c’est bel et bien car nous sommes un groupe structuré, riche de la diversité de chacun et ayant une certaine maturité. Usons encore de ces qualités pour réussir cette nouvelle perspective duelle : lutte et vie de groupe. Croyons en nos idées et mettons-les en œuvre dès maintenant !



Le FCSM a pris le contre-pied du complexe d’Œdipe : manipulé par Ledus-Baskonia, il pense avoir tué le fils. Or, le fils n’est pas mort, bien au contraire. Il brûle de mille feux, lui…


« Père, ne vois-tu pas que je brûle ? » Mais lui,
Non, il laisse les portes battre, le feu prend
De couloir en couloir dans son destin,
Il n’y a plus de portes, rien que des flammes.


Yves Bonnefoy, ‘La Révolution la nuit’, Raturer outre, Paris, Galilée, 2009.


L’Enfant


(1) : cf. communiqué du 17 juin 2018 (https://www.zupimages.net/up/18/24/1wf3.jpg)
(3) : le 8 septembre prochain aura lieu notre premier Téheness Fest ! Klx, Napalm et Swift Guad en rap, puis de la bonne techno made in Montbé avec Ruthless Maxence, le poto Hassan Farres, ACAB252 et R.Sensation. Rien que ça ! Plus d’infos très prochainement.
(4) : durant tout le mois d’août sera récolté du matériel scolaire pour une grande distribution aux enfants/familles dans le besoin le samedi 1er septembre. Opération « pack rentrée » : la solidarité comme école de la vie !